[Veille] Plongée dans les coulisses de la récupération de métaux dentaires

Les chirurgiens-dentistes reçoivent souvent des propositions commerciales de sociétés cherchant à valoriser les déchets métalliques générés par les activités de soins dentaire : couronnes en or, alliages de prothèses… Un monde assez opaque pour les intéressés, dont les coulisses sont mis en lumière par une décision judiciaire récente.

Cour d’appel de Rennes, 3ème Chambre commerciale, Arrêt du 18 juin 2024, Répertoire général nº 22/06543

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Le présent contentieux concerne deux sociétés A et B ayant pour activité la valorisation de métaux précieux issus de la filière dentaire. De manière synthétique, ces sociétés prospectent les cabinets dentaires et les laboratoires de prothèse, analysent les déchets métalliques issus des activités de soins et de prothèse et rachètent ces déchets en vue de leur recyclage et leur revente à profit.

L’analyse se fait à l’aide d’un outil particulier, le spectromètre à rayons X, qui permet de connaître la composition précise d’un alliage métallique.

La société A, fondeur de métaux basée en Suisse, a proposé à la société B, prospecteur de cabinets dentaire situé en France, une licence exclusive d’exploitation qui prévoit : l’utilisation exclusive d’une marque, l’utilisation d’un logiciel de gestion dédié et la location de 3 spectromètres à rayons X. Ces avantages sont concédés en échange de frais de location et de licence, ainsi qu’un droit d’entrée de 12 000 euros H.T. En échange, la société B bénéficie d’une redevance de 5% de la valeur de chaque fonte de métaux réalisée (avec un seuil plancher).

Pour résumer, la société B effectue la prospection des cabinets dentaire et laboratoire de prothèse français ainsi que l’analyse des déchets métalliques qu’elle fournit ensuite à la société A pour la fonte. La première payant à la seconde la location de matériel spécialisé et l’utilisation de la marque et la seconde reversant une redevance à chaque fonte.

Comme toute activité commerciale, celle-ci est soumise aux aléas du marché et il s’avère que la société B a rencontré des difficultés d’exploitation. Les deux sociétés A et B ont alors cherché à mettre fin à leurs relation contractuelle, sans toutefois parvenir à un accord.

C’est alors qu’est né le contentieux entre A et B, chacune des sociétés reprochant à l’autre des griefs quant à leurs obligations contractuelles respectives. La société A poursuit la société B et demande plusieurs dizaines de milliers d’euros d’indemnisation.

Sans entrer dans le détail de la décision, que le lecteur pourra lire, la société française de prospection a pu se dégager de la mauvaise passe que constitue le contentieux en arguant que les spectromètres à rayons X fournis par la société Suisse n’étaient pas conforme à la réglementation en vigueur en France (pour rappel, la Suisse n’appartient pas à l’Union européenne et les normes diffèrent donc entre les deux pays).

Le juge du tribunal de commerce a considéré que les contrats passés entre la société A et la société B étaient nuls car illicite (article 1162 du Code civil) dès lors que la société A avait remis à la société B des spectromètres à rayons X ne respectant pas la réglementation française.

En effet, suivant la réglementation française, les appareils auraient dû être déclarés à l’Autorité de Sureté Nucléaire. Le gérant de la société B avait d’ailleurs alerté par mail son contact de la société A de la situation.

Du fait de la nullité du contrat, ce dernier est sensé n’avoir jamais existé et les prestations exécutées doivent être restituées dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9 du Code civil.

La société A Suisse a été condamnée à rembourser à la société Française B les frais de droits d’entrée et de remboursement du dépôt de garantie des spectromètres. Le juge a toutefois débouté les parties de leurs autres prétentions (dommages et intérêts…), notamment pour des problèmes d’absence d’éléments de nature à établir les préjudices allégués par les parties.

Une affaire pas en or !


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