[Veille] De la transaction

Une transaction est un mécanisme contractuel permettant de régler à l’amiable un conflit en faisant des concessions mutuelles, tout en évitant les incertitudes, les coûts et les délais liés aux procédures judiciaires. Toutefois, cette démarche peut être contestée devant les tribunaux : exemple avec un contentieux en matière dentaire.

Tribunal judiciaire, Chambre des référés, Paris, Jugement du 13 septembre 2024, Répertoire général nº 24/53693

En droit civil français, la transaction est un contrat par lequel deux parties, ayant un différend ou une incertitude sur leurs droits respectifs, décident de mettre fin à ce litige ou d’éviter sa survenance en faisant des concessions réciproques. Elle est régie par les articles 2044 à 2058 du Code civil.

Cette démarche est particulièrement intéressante puisqu’elle met fin au litige de manière définitive : une fois conclue, elle empêche les parties d’intenter une action en justice sur le même objet (c’est le principe de l’autorité de la chose jugée en matière civile).

Ainsi, la transaction peut être utile pour mettre fin à un litige entre un chirurgien-dentiste et son patient, en empêchant toute action en justice ultérieure.

D’ailleurs, dans le cadre des recours amiables initiés par le patient à l’égard de l’assureur RCP du chirurgien-dentiste, le versement d’une indemnisation par l’assureur au patient entre dans le cadre d’une transaction au sens du Code civil.

En matière de « stratégie d’indemnisation« , la transaction est utile pour le patient car il obtient rapidement une somme d’argent, sans avoir à saisir le juge. Par contre, si cette somme est sous-évaluée, le patient sera perdant car il ne pourra plus engager d’action judiciaire à l’égard du professionnel de santé. Dans ce cas, il restera au patient la possibilité de contester devant le juge la forme et le fond de la transaction (en d’autres termes, le contenu et la portée du contrat). Nous pouvons apprécier cette démarche à la lecture d’une récente décision de justice du Tribunal judiciaire de Paris.

Les faits

Une patiente bénéficie d’un traitement prothétique réalisé par un chirurgien-dentiste (une prothèse fixe). Cinq années plus tard, la prothèse se révèle défaillante et des soins complémentaires sont réalisés, pour un montant de 4000 euros. Insatisfaite des soins du chirurgien-dentiste, la patiente dépose plainte devant le Conseil de l’Ordre.

À l’issue de la procédure, un accord amiable est trouvé : le chirurgien-dentiste reconnait sa faute dans l’exécution du traitement et rembourse la somme de 4000 euros, servant à couvrir les frais engagés. Le remboursement se fait dans le cadre de la transaction et, par principe, éteint toute poursuite judiciaire ultérieure de la part de la patiente.

En pratique toutefois, la somme de 4000 euros est insuffisante pour permettre à la patiente de réparer l’entièreté de ses préjudices. Elle saisit donc le juge civil aux fins de dénoncer la transaction et, en cas de succès de ses prétentions, être en mesure de poursuivre en justice le professionnel de santé aux fins d’obtenir un montant d’indemnisation plus important.

Logiquement, le chirurgien-dentiste et son assureur contestent la démarche et affirment que la transaction conclue empêche toute action en justice.

La décision

Le juge a constaté que le document, qualifié de transaction, ne portait que la signature de la patiente et que l’objet du remboursement n’était pas clairement détaillé :

  • Absence de réciprocité : la transaction ne portait que la signature de la patiente et non celle du praticien (remise en question du caractère bilatéral de la transaction) ;
  • Absence de concessions claires et portée incertaine de l’accord : le document aurait dû être davantage détaillé. Il n’était pas précisé dans le document que la somme de 4000 euros couvrait l’ensemble des prétentions de la patiente, à savoir, le remboursement des soins et l’indemnisation des autres préjudices liés aux soins litigieux.

La transaction ne couvrant pas l’entièreté du litige, le juge accède donc à la demande de la patiente et ordonne une expertise judiciaire visant à établir la nature des soins et évaluer les préjudices subis par la patiente.

Ainsi, à défaut d’avoir réalisé une offre transactionnelle en bonne et due forme, le chirurgien-dentiste et son assureur ne sont pas tirés d’affaire !


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