Depuis la loi du 4 mars 2002, tout prestataire de santé (professionnel ou établissement) a l’obligation de souscrire à une assurance responsabilité civile professionnelle (RCP). Cette assurance intègre généralement une protection juridique qui prend en charge les honoraires d’avocat, d’expertise et de justice. Ainsi, en cas de contentieux incriminant un chirurgien-dentiste, ce dernier bénéficie d’une prise en charge partielle ou totale de ces frais (suivant les garanties de son contrat). Mais qu’en est-il du patient ? Et, subsidiairement, combien coûte une procédure en matière de dommage corporel en matière dentaire ?
Cour d’appel de Paris, Pôle 1, Chambre 9, Arrêt du 8 avril 2024, RG nº 23/00421
Les faits
Une patiente se plaint d’une prise en charge réalisée dans un centre dentaire francilien. Elle sollicite le conseil d’une avocate aux fins de poursuivre le centre et son assureur devant le juge civil (procédure aux fins d’indemnisation) et devant le juge disciplinaire (procédure à visée de sanction incriminant le chirurgien-dentiste salarié qui l’a pris en charge).
En ce sens, l’avocate fait signer deux conventions d’honoraires, puis une troisième car le jugement de première instance au civil est suivi d’un appel. Cette convention, dont les conditions sont librement acceptées par la patiente, prévoit un taux horaire de 200 euros hors taxes accompagné d’un honoraire de résultat de 10 % qui ne peuvent être réglés qu’à l’issue de la décision finale.
Si nous n’avons pas d’informations sur l’issue des deux procédures (condamnation ou non du centre et/ou du chirurgien-dentiste salarié), nous savons qu’elles ont été régulièrement engagées. Par contre, la patiente s’estime insatisfaite des frais engagés, qu’elle juge excessifs, et remet en question les diligences accomplies par son conseil. Enfin, elle considère que l’honoraire de résultat, qu’elle a réglé avant la décision finale, devait lui être remboursé. En ce sens, elle saisit le bâtonnier*.
La décision
En première instance, puis en appel, la patiente se voit débouter en grande partie de ses demandes :
- Concernant la procédure disciplinaire : le bâtonnier et le juge d’appel ont considéré que les honoraires d’avocat réglés pour cette procédure, à savoir 1240,47 euros hors taxes, étaient justifiés et correspondaient aux diligences accomplies.
- Concernant la procédure civile : les honoraires d’avocat réglés pour la première instance sont de 8765,88 euros hors taxes, comprenant 2449,49 euros hors taxes d’honoraire de résultat. Le bâtonnier et le juge d’appel ont constaté que l’honoraire de résultat avait été payé avant que la décision ne soit définitive et ont donc condamné l’avocate à rembourser cette somme. Toutefois, ils retranchent de cette somme les honoraires d’appel, 1148,88 euros hors taxes, que la plaignante n’a pas réglé à son conseil.
Les honoraires dus par Mme R.U. à son avocate sont de 8705,74 € hors taxes (soit 1 240,47 € + 6 316,39 € + 1 148,88 €). À ce montant s’ajoutent les dépens de la procédure engagée à l’encontre de l’avocate, que la plaignante a perdue. Le montant total des dépens n’est pas précisé dans la décision.
Discussion
Un chirurgien-dentiste peut, grâce à son assurance RCP, bénéficier d’une prise en charge totale ou partielle des frais de justice. Un patient peut également bénéficier d’une prise en charge totale ou partielle des frais de justice grâce à l’aide juridictionnelle (dispositif financé par l’État à destination des personnes à revenus modestes) ou à une protection juridique proposée par un contrat d’assurance qu’elle a souscrit préalablement au litige.
La lecture de la présente décision de justice met en lumière que la patiente a sollicité l’aide juridictionnelle et a bénéficié d’un remboursement de la part d’un assureur, donc, qu’elle a possiblement bénéficié d’une protection juridique couvrant tout ou partie des frais de justice.
Enfin, il convient de ne pas oublier l’indemnité versée par la partie perdante au procès prévue au titre de l’article 700 du Code de procédure civile (en matière civile), qui peut aider le plaignant à rembourser les frais de justice si ce dernier gagne son procès.
Cette décision met en lumière le coût important que représente l’action contentieuse en lien avec un dommage corporel en matière dentaire (réel ou allégué, la décision ne nous le dit pas). Ici, la patiente s’est engagée dans une double démarche à visée de réparation (juridictions civiles) et de sanction (chambre disciplinaire de l’Ordre). Nous ne savons pas si elle a gagné ou non et, dans l’affirmative, la somme exacte qu’elle a pu obtenir de la part de la partie adverse. Quoi qu’il en soit, la somme engagée pour ces procédures, de 8705,74 €, est loin d’être anodine !
* Le bâtonnier est le représentant élu des avocats inscrits à un barreau. Il est à la tête du Conseil de l’Ordre des avocats, qui administre la profession au sein de ce barreau. Chaque barreau en France a son propre bâtonnier. En cas de différend entre un avocat et son client (notamment sur les honoraires), le bâtonnier est saisi pour tenter de régler le conflit. Sa décision peut faire l’objet d’un appel devant la Cour d’appel, comme cela a été le cas dans la présente décision.