Le détournement de fonds commis par des salariés indélicats n’est pas rare et de nombreux cas font actuellement l’objet d’une exposition médiatique. Un arrêt de la Cour d’appel de Nîmes traite des conséquences d’une telle pratique en ce qui concerne une de nos consoeurs. Au-delà de la perte de revenus directs, c’est aussi la question du préjudice moral et de l’impact sur les droits à la retraite qui a été soulevée par les juges.
Cour d’appel de Nîmes, 1ère Chambre, 17 avril 2025, RG n° 24/02455
Les faits
Une chirurgienne-dentiste libérale emploie une secrétaire médicale depuis dix ans. En 2022, une discordance entre les recettes encaissées et les relevés de la CPAM attire l’attention de l’administration fiscale, qui déclenche une vérification comptable. Confrontée aux faits, la secrétaire reconnaît avoir détourné, pendant trois ans, des chèques et espèces remis par les patients. Son employeur l’assigne alors en justice pour obtenir réparation de ses préjudices.
La décision
En première instance, le tribunal judiciaire d’Alès prononce une lourde condamnation : 136 022 € pour la perte de revenus professionnels sur quatre exercices, 1 500 € pour le préjudice moral, et 1 000 € au titre de l’article 700 du CPC.
Toutefois, notre consoeur interjette appel s’agissant de deux chefs de demande rejetés en première instance : l’indemnisation de la perte de droits à la retraite et la revalorisation du préjudice moral. Produisant deux estimations chiffrées de sa pension de retraite (avant et après les détournements), l’appelante démontrait un manque à gagner de 118,67 € par mois, soit 25 632 € sur 18 années de retraite. La cour a jugé cette démonstration suffisamment précise pour réformer la décision de première instance et lui accorder cette somme.
En ce qui concerne le préjudice moral, la cour a retenu la gravité de la trahison d’une collaboratrice de confiance, les répercussions psychologiques persistantes attestées par un suivi thérapeutique, et le traumatisme engendré par les contrôles fiscaux.
En conséquence, la Cour a porté l’indemnité de 1 500 € à 3 000 €. L’intimée, non représentée d’un avocat, est également condamnée aux dépens de l’appel et à 2 000 € supplémentaires au titre des frais irrépétibles.
En conclusion
Cette affaire illustre les répercussions profondes qu’un détournement de fonds peut avoir sur un professionnel libéral, bien au-delà des simples pertes financières immédiates. La décision de la cour d’appel rappelle que les préjudices liés à la confiance brisée de l’employeur à l’égard de son salarié (ici, 10 ans d’ancienneté), au traumatisme moral et aux conséquences différées — comme la diminution des droits à la retraite — peuvent faire l’objet d’une indemnisation lorsqu’ils sont clairement établis.
Elle souligne une fois de plus l’importance, pour les victimes de tels faits, de documenter rigoureusement leurs préjudices afin d’obtenir une réparation juste et complète. Un arrêt à forte portée pratique, notamment dans les relations de travail fondées sur la confiance, comme il est possible de les retrouver dans notre métier.